On peut diviser l'évolution de la médecine grecque en quatre périodes :
la première divine et surnaturelle ;
la seconde humaine et clinique dominée par la grande figure d'Hippocrate, à Athènes ;
la troisième période dite Alexandrine car émigrant à Alexandrie
et enfin la quatrième où elle se transporte à Rome.
Puis vient l'époque gallo-romaine, bien connue de nos jours par les cachets d'oculistes.
Première période : les légendes
L'histoire de la première période est toute entière du domaine de la fable. D'après la légende, ce serait le centaure CHIRON qui aurait été le fondateur de la Médecine et de la Chirurgie. Il aurait été en outre, le premier ophtalmologiste puisqu'il aurait rendu la vue à de jeunes phéniciens surpris en flagrant délit de viol, que leur père, AMINTOR, avait fait aveugler, pour les punir de ce crime d'impureté.
D'après APOLLODORE, Chiron fut le maître d'ASCLEPIOS (Esculape), fils d'APOLLON et de CORONIS, que son père avait enlevé, en très bas âge, et conduit auprès du Centaure pour qu'il lui enseignât la médecine et la chirurgie.
Nous retrouvons encore HOMERE, qui dans l'Iliade fait allusion à des traumatismes ayant entrainé des troubles visuels. Ainsi HECTOR frappé sur son casque, lors de son combat avec DIOMEDE, est atteint d'une cécité temporaire suivie d'une perte de connaissance.
HOMERE était-il aveugle ?. Selon les croyances anciennes, la perte de vue serait liée, par une sorte de compensation magique, à la clairvoyance et au don de création poétique de chant et d'enchantement. En lui attribuant, avec THUCYDIDE et ARISTOPHANE le majestueux "Hymne à Apollon", on doit admettre sa cécité, car 1'auteur de ce chant se décrit lui-même comme "un homme aveugle (tuphlos aner) qui demeure dans l'âpre CHIOS"
Plusieurs "Vitae homeri" mentionnent la cécité du grand poète, mais elles sont toutes très tardives. D'après la biographie d'HOMERE faite par PROCLOS, "certains prétendent qu'il reçut son nom du fait de l'infirmité de ses yeux ; car selon eux, les Eoliens désignent les aveugles par le nom d'homèroi".
On trouve la trace de cette opinion ancienne chez EPHOROS, historien grec du IV siècle avant-JC ; selon lui le poète changea son nom en Homère à cause de sa cécité, car on nommait ainsi les aveugles du fait qu'ils se servaient de guide (ton homereuonton). D'après une biographie attribuée faussement à HERODOTE, Homère aurait contracté une ophtalmie à Ithaque et serait devenu aveugle à Colophon. De tels récits présentent un certain intérêt comme documents historiques sur les maladies des yeux à l'époque où ils furent composés, mais n'ont aucune valeur pour le diagnostic de la maladie d'Homère.
L'art de guérir fut tout d'abord le privilège de certaines familles, telle celle d'ASCLEPIOS, roi de TRIKKA, dont Homère chantait l'habileté et dont Pindare fit un dieu.
A l'origine le nom thessalien d'Esculape est "Askalapios", et ce terme désigne la taupe, très abondante en Thessalie ; cet animal était considéré comme-un animal guérisseur dans la médecine magique. Esculape était donc primitivement un dieu-taupe, une divinité émanée du sol.
Il eut cependant une fin tragique. Comme il ressuscitait même les morts, Jupiter, irrité, le foudroïa à la prière de Pluton, dieu des Enfers, dont l'empire courait le risque de devenir désert.
Ce dieu avait pour symbole le Caducée, baton surmonté d'un miroir autour duquel s'enroule un serpent ; sa première fille était HYGIE, déeese grecque de la santé, dont le domaine était les soins généraux et la propreté sa seconde se nommait PANACEE.
Sortant du domaine da la fable, vers le VIIè siècle av. JC., nous trouvons la médecine entre les mains des prêtres descendants d'Esculape, qui forment une caste d'initiés sous le nom d'Asclepiades ; elle s'exerce dans les temples. Ces Asclépiades, ce terme désignant surtout des ensembles monumentaux dédiés à Esculape, sont des lieux de culte, des centres d'hospitalisation situés souvent près d'une source thermale. Parmi les plus connus nous citerons Epidaure, Pergame, Cos, Cnide, Ephèse et Athènes. Dans les ruines d'Epidaure, il a été retrouvé des inscriptions faisant allusion à des traitements de maladies oculaires, ainsi que des ex-voto oculaires. En voici une qui nous intéresse.
"Hermion de Pasos. Le dieu l'a guéri de la cécité. Mais comme il refusa de payer au sancturaire, ce qu'il lui devait, le dieu le fit redevenir aveugle pour le punir. Quand il fit retour au sanctuaire pour y "dormir" une seconde fois, le dieu le guérit à nouveau".
A défaut d'Esculape, dans ces Asclépiades, les serpents apprivoisés rendaient les oracles, d'après les rêves des patients, et indiquaient les remèdes.
Une comédie d'ARISTOPHANE, PLUTUS, représentée en 390 av. JC., nous fait assister dans le temple d'Esculape à la guérison de la cécité de Plutus ; les railleries du comique grec nous montrent le discrédit en lequel tomba rapidement cette thérapeutique sacerdotale.
Nous en donnons le résumé ici : Plutus,dieu de la richesse, a été frappé de cécité par ZEUS.
"Asclépios essuya les paupières de Plutus avec un linge, puis Panacée lui couvrit d'un voile de pourpre la tête et tout le visage. Puis le dieu siffla et deux énormes serpents s'élancèrent du sanctuaire. ils se glissèrent doucement sous le voile de pourpre, léchèrent, à ce que je crois, les paupières du malade, et, en moins de temps qu'il ne t'en faut pour vider un verre de vin, Plutusse relève. Il voyait."