Humour et humeur sont aujourd'hui des mots qui ont des significations différentes alors qu'à l'origine, le premier ne fait que dériver du second, et cette dérivation prend tout son sens dans l'Angleterre de la fin du XVIe siècle, grâce à un dramaturge érudit et satirique : Ben Jonson.
À cette époque, l'Angleterre, comme l'ensemble des pays européens, ne possède comme science médicale que la “ théorie des humeurs ” d'Hippocrate et de Galien. Cette théorie, qui attribue à l'homme quatre humeurs de base, soit mélancolique, sanguine, bileuse et flegmatique, est largement discutée au théâtre tant elle semble un peu limitée quant à ses résultats.
Every man in his humour
de Ben Johnson
Mais, si elle est fustigée en France sous la plume de Molière, elle prend une tout autre dimension, en Angleterre, sous celle de Ben Johnson.
Ce dernier joue sur un véritable détournement de ces
“ humeurs ” pour les rendre comiques. Ainsi, dans ses comédies intitulées Every man in his humour et Every man out of his humour, il présente des personnages que la situation dramatique de la pièce place en porte à faux par rapport à leur “ humeur ”, ou bien que leur “ humeur ” place en porte à faux par rapport à leur rôle réel.
Il en résulte qu'ils sont supposés avoir une double nature.
Par exemple, si un excentrique ne fait pas rire en soi, le seul moyen de le rendre drôle est d'isoler son excentricité, en la détachant sur un fond tout au fait différent.
Pour cela il faut la placer soit sur un fond où tout le monde est normal, ou sur un fond où tout le monde développe une anomalie contraire.
Le décalage finit alors par produire le caractère comique